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Disney. Un capitalisme mondial du rêve 6 avril 2010

Le mardi 6 avril, dans l’amphithéâtre Bachelard de la Sorbonne, s’est tenue la troisième table ronde du Mécano de la scène mondiale.



Autour de l’ouvrage d’Alexandre Bohas, Disney, un capitalisme mondial du rêve, et de son auteur, Chaos International a réuni le Producteur, Auteur du livre La Vingt-cinquième image, René Bonnell, le directeur de la société de production FlachFilm et Vice-Président de l’Association des producteurs de cinéma, Jean-François Lepetit.

La synthèse de la troisième séance du cycle Le Mécano de la scène mondiale organisée autour de l’ouvrage d’Alexandre Bohas, Disney, un capitalisme mondial du rêve

Autour de l’ouvrage d’Alexandre Bohas,
Disney Un capitalisme mondial du rêve, Paris, L’Harmattan, 2010.

Avec
Jean-François Lepetit*, Directeur de la société de production Flachfilm et Vice-Président de la Chambre Syndicale des Producteurs et Exportateurs de Films Français.
René Bonnell**, Producteur et auteur de La Vingt-Cinquième image.
Alexandre Bohas, Chercheur en Économie Politique Internationale.

I. La marginalisation des créations cinématographiques en France
II. Le repli des filières européennes dans la mondialisation culturelle
References

I. La marginalisation des créations cinématographiques en France

1 En 2009, la part de marché des films français serait en baisse par rapport à 2008, passant de 45 à 37%. Que vous inspirent ces derniers résultats ?

D’emblée, Jean-François Lepetit a souligné que les conditions de diffusion se dégradaient pour les productions hexagonales. Tandis que le nombre des œuvres produites demeure élevé, la plupart d’entre elles sont exclues des circuits de distribution dans un contexte de surabondance audiovisuelle. Au bout de quelques jours, elles sont « débarquées » (sic.) des écrans, bien qu’elles rassemblent encore souvent beaucoup de spectateurs. Pour sa part, René Bonnell a renchéri en mentionnant que le nombre de nouvelles sorties se maintenait annuellement entre 220 et 240 films. Il a ensuite mis l’accent sur les faibles budgets dont disposent les professionnels pour parvenir à une production aboutie et une diffusion réussie. Quant à Alexandre Bohas, il est revenu sur la concentration des financements en matière de production, distribution et promotion qui porte sur un nombre réduit de longs métrages, ce qu’il a assimilé au phénomène des blockbusters américains. À cet égard, il a rappelé la faiblesse structurelle des créations nationales dont le cycle de rentabilisation s’effectue uniquement sur le marché français, contrairement à celles d’Hollywood qui bénéficient d’une audience mondiale. Les trois invités se sont finalement accordés pour reconnaître que derrière une part de marché souvent égale à celle détenue par les productions américaines, nombre de films français ne sont cependant pas diffusés en salles lors de leur sortie.

2 Le système de soutien au cinéma français a assuré le maintien d’une filière nationale de création. Quelles sont les menaces qui pèsent sur ces mécanismes d’aide ?

René Bonnell a retracé la genèse de cette politique culturelle appliquée dès 1946 et dont le fondement réside dans un fonds de soutien financé par une taxe prélevée sur toutes les entrées en salles. Provoquant une « épargne forcée », celle-ci est ensuite reversée aux producteurs, ce qui permet à ces derniers de continuer de créer. Ce producteur a également signalé l’importance des financements provenant des chaînes de télévision, en particulier Canal+ dont les préachats concernent plus de 100 films par an. René Bonnell et Jean-François Lepetit ont alors indiqué que le succès de ce dispositif public a fait des émules tant en Europe qu’en Corée du Sud par exemple.

Selon ces deux intervenants, les menaces proviendraient de l’ouverture du compte de soutien à des sociétés non-européennes. Puis, Jean-François Lepetit a analysé la dualisation de la filière alors que René Bonnell a commenté la paupérisation d’une partie du secteur français. Enfin, Alexandre Bohas a tenu a précisé que le dualisme de la profession entre cinéma d’auteur/cinéma commercial était beaucoup moins marqué en Amérique, où les deux milieux entretiennent au contraire des relations étroites.

II. Le repli des filières européennes dans la mondialisation culturelle

1 Plusieurs politiques publiques — telles que MEDIA — ont été poursuivies au plan européen en matière cinématographique. Nous assistons également à l’essor de certains films nationaux en Europe. Peut-on y voir l’édification d’une filière ?

René Bonnell et Jean-François Lepetit ont tous deux contesté l’existence d’une filière européenne qui serait en construction. Le premier a affirmé qu’avec la généralisation des systèmes d’aide, les cinémas nationaux se sont au contraire repliés sur eux-mêmes, mettant ainsi un terme aux coopérations transeuropéennes des années soixante-dix, quatre-vingt. Selon lui, nous assisterions à une juxtaposition de productions sans véritable visée européenne. Alexandre Bohas a, quant à lui, rappelé que les programmes MEDIA et la directive communautaire Télévision Sans Frontières n’ont pas entraîné l’édification d’un centre de création continental, mais plutôt la mise en place d’un grand marché ; les publics ne se reconnaissant pas et ne se projetant pas dans les intrigues et les acteurs non-nationaux et non-américains. Concernant les politiques publiques à poursuivre à l’échelle de l’Union européenne, Jean-François Lepetit et René Bonnell ont évoqué la possibilité d’imposer aux chaînes de télévision des quotas de films européens non-nationaux, ce qui habituerait les audiences aux films européens, et leur ouvrirait des débouchés hors de leur pays d’origine. Toutefois, cette mesure rencontre actuellement de fortes réticences, les professionnels restant dans chaque pays crispés sur leurs avantages nationaux.

2 S’agissant de la diversité culturelle, quelles sont les grandes tendances à l’œuvre dans le secteur cinématographique?

Selon Jean-François Lepetit, la diversité culturelle serait menacée en France. Traditionnellement, les succès de la filière nationale ont toujours été fondés sur une variété de programmes susceptibles de proposer autant de films de divertissement que de longs métrages d’auteur, plus intellectuels et/ou plus ambitieux artistiquement. Or, cette possibilité est aujourd’hui ébranlée par la marginalisation d’un nombre croissant de films. Sur ce point, René Bonnell a rappelé que le centre du cinéma-monde connaissait le succès avant tout grâce à la diversité de ses contenus. D’après lui, tout en produisant pour un marché national, Hollywood serait actuellement le seul espace de production au monde, capable de diffuser dans toutes les sociétés. Ainsi, demeure-t-il plus que jamais essentiel pour le cinéma français de proposer une pluralité de contenus.

* Jean-François Lepetit est Producteur et Vice-Président de la Chambre Syndicale des Producteurs et Exportateurs de Films Français. Il a notamment produit avec sa société Flach Film des succès comme Trois Hommes et un Couffin, Le Grand Chemin, Le Monde selon Bush et dernièrement Le Temps de la kermesse est terminé. Il a aussi participé à Hollywood au remake de Trois Hommes et un Couffin avec la firme Disney.

** Directeur d’Octave Films, René Bonnell a occupé des fonctions importantes au sein de la chaîne cryptée Canal+ et du groupe France Télévisions. Il a également été Secrétaire général de la Chambre Syndicale des Producteurs et Exportateurs de Films Français. En outre, il a écrit plusieurs ouvrages, parmi lesquels nous mentionnerons, La Vingt-cinquième image. Une économie de l’audiovisuel, livre de référence sur l’économie du cinéma.

References

Ouvrages

Bonnell René, Le Cinéma exploité, Paris, Seuil, 1978.
Bonnell René, Le Droit des auteurs dans le domaine cinématographique : Coûts, recettes et transparence, Paris, CNC, 2008.
Bonnell René, La Vingt-cinquième image : une économie de l’audiovisuel, 4ème éd., Paris, Gallimard, 2006.
Créton Laurent, Économie du cinéma : perspectives stratégiques, Paris, Armand Colin, 2009.
Farchy Joël, Tardif Jean, Les Enjeux de la mondialisation culturelle, Paris, Hors Commerce, 2006.
Forest C., L’Argent du cinéma, Paris, Belin, 2002.
Laroche Josepha, Bohas Alexandre, Canal+ et les majors américaines : une vision désenchantée du cinéma-monde, 2ème éd., Paris, L’Harmattan, 2008.
Mattelart Armand, Diversité culturelle et mondialisation, Paris, La Découverte, 2005.
Miller Toby, Govil Nitin, McMurrin John, Maxwell Richard, Wang Tin, Global Hollywood 2, Londres, British Film Institute, 2005.
Wyatt Justin, High Concept. Movies and Marketing in Hollywood, Austin, University of Texas Austin, 1994.
Internet
CNC (Centre National du Cinéma) : http://www.cnc.fr/
Flach Film : http://www.flachfilm.com/
IMDb (Internet Movie Databasis) : http://www.imdb.com/
UniFrance : http://www.unifrance.org/
MPAA (Motion Picture Association of America) : http://www.mpaa.org/