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PAC 17 – À la recherche d’une mondialisation de la parité Le trentième anniversaire de la CEDAW

Par Armelle Le Bras-Chopard

Passage au crible n°17

source : Pixabay

Il y a trente ans, le 1er mars 1980, était ouverte à la signature des États la Convention on the Elimination of Discrimination Against Women, dite CEDAW, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 18 décembre 1979. Signée par 95% des États membres des Nations Unies, elle n’a toutefois pas été ratifiée par tous et certains ont émis des réserves, plaçant leurs traditions au dessus des règles du droit international. Ce document a été complété ultérieurement par le protocole additionnel du 6 octobre 1999, entré en vigueur en 2002, texte qui se veut plus contraignant.

Rappel historique
Cadrage théorique
Analyse
Références

Rappel historique

Dès la fin du XIXe siècle, les femmes se sont organisées de façon transnationale et ont prôné l’adoption d’un traité international sur l’égalité de droits entre les sexes. Sous la pression de leurs associations, l’ONU a mis en place, en 1946, une commission intergouvernementale dite de « la condition de la femme ». Le mandat de cette instance était centré sur l’élaboration de normes internationales que la CEDAW contribuera ensuite à institutionnaliser.

Cette Convention vise à résorber le gender gap en luttant contre toutes les formes de discriminations qui frappent les femmes. En l’espèce, il s’agit de rétablir une égalité de droits avec les hommes dans tous les domaines – civil, culturel, économique, social, politique – grâce à l’adoption de dispositions législatives au plan national.

Un comité de vingt-trois experts indépendants a été élu par les parties à la Convention pour suivre l’application de celle-ci. Chaque année, il présente un rapport à l’Assemblée générale des Nations unies et examine ceux produits par les États, tous les quatre ans. Puis, il auditionne ceux-ci et invite des institutions spécialisées ainsi que des ONG particulièrement actives. En dernier lieu, il tire les conclusions de cet examen en émettant propositions et recommandations. Cependant, il s’avère impossible de remédier directement aux violations de cet instrument juridique qui auraient été mises en évidence sur le territoire d’un État. Une étape supplémentaire de contrôle a néanmoins été franchie avec le Protocole additionnel qui prévoit désormais la communication de requêtes individuelles ou collectives.

Cadrage théorique

1. Les droits humains. La Convention reconnaît pour la première fois la discrimination à l’égard des femmes comme une violation des Droits de l’Homme. Le cadre de référence antérieur – Charte des Nations unies, Déclaration universelle des droits de l’Homme – s’est en effet révélé trop restreint et général. Outre une égalité réelle entre les sexes que la CEDAW entend promouvoir, elle fait aussi une large place au droit à la maîtrise de la reproduction. Mais, s’il s’agit tout d’abord d’une question d’équité et de justice, les progrès qu’elle cherche à favoriser, bénéficieront finalement à l’humanité tout entière.
2. Le développement. La Convention revêt une dimension à la fois démocratique, économique et sociale, la place des femmes dans la société constituant au regard du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) un paramètre de l’IDH (Indice de Développement Humain). L’autonomisation des femmes – avec un accent particulier sur la scolarisation et l’éducation – représente la condition nécessaire à la réduction de la pauvreté et est à présent devenue l’objectif premier de l’APD (Aide Publique au Développement). Une égalité professionnelle effective – loin d’être atteinte dans les pays du Nord – constitue à cet égard un indicateur de la croissance et de la modernité. L’enjeu apparaît également démocratique car l’implication des femmes dans les lieux de décision sert aussi de marqueur du développement ou empowerment, empoderamento. Ce processus indispensable à la cohésion sociale permet alors de passer de l’échelon stato-national à celui des organisations locales, ce qui facilite une intégration des deux sexes autour de valeurs et d’objectifs communs.

Analyse

À l’inverse des quelques autres grandes conventions qui précisent les droits humains, comme celle sur les droits de l’enfant, la CEDAW demeure méconnue. En effet, bien qu’elle ait reçu la signature de la quasi-totalité des États – à l’exception de la Somalie, du Soudan et de l’Iran – son application rencontre toujours bien des difficultés. En raison de l’opposition des chrétiens – hostiles à la reconnaissance et à la garantie de droits procréatifs – les États-Unis ne l’ont par exemple pas ratifiée. Quant aux autres, ils ont eu recours à des réserves qui limitent substantiellement la portée du texte, de sorte qu’ils se refusent à intégrer les articles les plus contraignants dans leur législation nationale. Ainsi, la Malaisie a-t-elle qualifié certaines dispositions comme contraires à la loi islamique, tandis que l’Algérie a invoqué pour sa part, une atteinte à sa souveraineté. Dans la même logique, l’article 15 – relatif à l’égalité des hommes et des femmes devant la loi et à la liberté de circuler – est uniquement accordé au Niger, aux femmes célibataires. Mais le point le plus contesté concerne avant tout l’égalité des sexes dans le mariage et dans l’ensemble des rapports familiaux – autorité parentale, droit de propriété et âge minimum pour le mariage – pour laquelle la moitié des États a émis des réserves, principalement au Moyen-Orient et au Maghreb, au nom de la supériorité de la sharia. Enfin, si le protocole additionnel apparaît certes plus contraignant que la CEDAW, il reste facultatif pour les États parties à la Convention. Or, celui-ci constitue pourtant une avancée notable qui favorise le passage de mécanismes strictement juridictionnels vers des dispositifs directement opérationnels sur le terrain. Dans ce cadre, les membres du Comité ont notamment pu mener, à la suite d’une plainte, une enquête au Mexique sur les enlèvements et meurtres de femmes à Ciudad Juarez ; révélant par voie de conséquence, la pérennité des violences faites aux femmes dans cette région.

Dans l’ensemble, la Convention est utilisée par des groupes de femmes pour faire pression sur les gouvernements en vue d’améliorer le statut des femmes dans leurs pays respectifs. En l’occurrence, on rappellera que la Guinée – qui a ratifié la CEDAW en 1982 – a voté en 2006 une loi punissant d’emprisonnement toute personne qui se livrerait à des mutilations génitales. De la même façon, l’Égypte a encouragé une campagne d’alphabétisation des filles, destinée à réduire leur illettrisme de 11% entre 1986 et 1996.

Malgré les résistances rencontrées, la CEDAW constitue donc un instrument significatif pour faire avancer la cause des femmes au plan international, même si une mondialisation de la parité relève encore de l’utopie. Aujourd’hui, les ONG et tous les mouvements associatifs se mobilisent pour mettre principalement l’accent sur la lutte contre les stéréotypes ; la prochaine étape consistant à modifier les comportements et à promouvoir une culture égalitaire entre les sexes, bref, à modifier en profondeur l’organisation des sociétés civiles.

Références

Falquet Jules, De Gré ou de force. Les femmes dans la mondialisation, Paris, La Dispute, 2008.
Helena Hirata, « Femmes et mondialisation » in : Margaret Maruani (Éd.), Femmes, genre et société, l’état des savoirs, Paris, La Découverte, 2005.
Sénac-Slawinski Réjane, L’Ordre sexué. La perception des inégalités femmes-hommes, Paris, PUF, 2007.
Women Watch, site de l’ONU: http://www.un.org/womenwatch/